Thanksgiving au Chateau de Courtomer đźŚ˝

 
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« Encore aujourd’hui, Thanksgiving célèbre l’abondance de la nature et la fraternité des hommes. »
— Elisabeth Bonner
 
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« Bon. Je peux vous donner une dinde maintenant… mais…maintenant ? » 
Madame Claude fit une pause, un couteau à la main, quelques gouttes de sang écarlates ruisselant sur son tablier blanc. Ses sourcils noirs arqués par la surprise. J'étais venue chercher notre poulet de la semaine, une douzaine d'œufs et commander une dinde.

Nous nous trouvions dans l’atelier de Mme Claude, une grange sombre équipée d'une longue table de travail en bois. Des ampoules nues, entourées de toiles d'araignées, éclairaient la scène. Elles étaient suspendues à d’épaisses poutres en bois, courbées par l’âge. Madame Claude y avait accroché ses nombreux outils de travail. Des plumes recouvraient le sol en terre battue et des entonnoirs utilisés pour nourrir les oies s'entassaient sur une chaise annonçant ainsi la saison du foie gras.

A l’arrière, un grand rĂ©frigĂ©rateur fredonnait ; l'unique objet autre que le manteau blanc de Mme Claude signe de modernitĂ©. 
Madame Claude posa son couteau, inspecta l'intĂ©rieur de ce monstre et en sortit un paquet mou - une volaille maigre, faite maison, avec une tĂŞte peignĂ©e de rouge et des pieds jaune rugueux.  Suivant ses instructions, je garde les pieds lorsque je fais rĂ´tir l’oiseau, car « ils ajoutent de la saveur ». En effet, les poulets de Madame Claude sont toujours dĂ©licieux.

Elisabeth prépare le repas de la Thanksgiving avec sa fille, Maria. Photo de Brian Harrison.

Elisabeth prépare le repas de la Thanksgiving avec sa fille, Maria. Photo de Brian Harrison.

Un des dĂ©licieux volailles de Madame Claude. 

Le mari de Mme Claude est Ă©leveur de bovins et possède quelques champs de cultures et de foin. Madame Clause, quant Ă  elle, a sa petite entreprise d'Ă©levage de volailles. Les poulets et les pintades sont vendus toute l'annĂ©e, tandis que les canards et les oies sont Ă©levĂ©s pour les FĂŞtes, de la Toussaint jusqu'au dĂ©but du carĂŞme. Durant les quarante jours qui prĂ©cèdent Pâques, les gourmands mĂ©nagent leur foie et mangent du poisson le vendredi...quand ils n'oublient pas ! Afin que ses clients dĂ©gustent de la volaille toute l’annĂ©e et du foie gras pour les FĂŞtes, Madame Claude prend son travail très au sĂ©rieux. 
 
Une dinde? Madame Claude ne manqua pas de me rappeler que la dinde est un repas de Noël et du nouvel an. Et les dindes, soupira-t-elle, sont une vraie plaie et n'apportent que des soucis. Les poulets, eux, sont rusés et dotés d’un instinct de survie. Ils savent se protéger et trouver refuge dans un arbre si nécessaire. Les dindes sont des proies chétives et faciles pour les renards et les belettes qui les dérobent d'un coup si elles s'éloignent de leur abri. Est-ce qu'une dinde peut voler? Pff! Une maison saurait mieux faire. Une année, continua-t-elle en pinçant les lèvres, toutes mes dindes sont mortes… décimées par une bactérie.
 
 Â« Et cette catastrophe », ajouta-t-elle, « est arrivĂ©e après avoir administrĂ© Ă  chacune d'entre elle un grain de poivre dans le bec!». C'est une tache fastidieuse. Et une perte de temps. Pourtant cela peut s'avĂ©rer efficace, poursuivit-elle, la tĂŞte penchĂ©e sur le cĂ´tĂ©. Il s'agissait peut-ĂŞtre d'un nouveau type de microbe. 
Elle s'arrêta un instant pour réfléchir peut-être à la possible malveillance des scientifiques Parisiens, contre les inventions desquelles la médecine traditionnelle est impuissante.
 
J'en profitais pour demander:Puis-je avoir une dinde pour le quatrième jeudi de novembre?
 
Ah! La Thanksgiving! Mais oui! A Thanksgiving, il est vrai que les AmĂ©ricains - gĂ©nĂ©ralement - ne respectent pas les règles de la gastronomie françaises en servant de la dinde hors saison. Mais ils se rĂ©unissent en famille autour d'un bon repas – un motif de cĂ©lĂ©bration approuvĂ© par la culture française. 

 
Photo de Philip Stevenson.

Photo de Philip Stevenson.

 

Et donc, nous avons mangĂ© notre dinde accompagnĂ©e d'une gelĂ©e de groseilles de notre jardin, de pain de maĂŻs, de pommes de terre, de carottes et de betteraves locales, et une sauce faite en mĂ©langeant le jus de la dinde et de la crème fraĂ®che. Le repas a dĂ©butĂ© avec une soupe au potiron, un classique de la gastronomie française, et terminĂ© avec la tarte tatin, Ă  base de pommes locales, spĂ©cialitĂ© de la Normandie. Ah ! la bonne chair… un festin digne de Thanksgiving! 

Le feu crĂ©pitait doucement dans la cheminĂ©e. En cette fin de journĂ©e, les fenĂŞtres de la salle Ă  manger offraient une vue sur un ciel striĂ© de rouge vif et rose doux, avant de changer en un bleu sombre et veloutĂ© alors que les derniers rayons du soleil faisaient place au crĂ©puscule.  
 
Et avec ce délicieux souvenir qui résonne dans nos mémoires et éveillent encore nos papilles, nous vous souhaitons un merveilleux Thanksgiving 2019 du Château de Courtomer.

A bientĂ´t,

 
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P.S. Une leçon autour de l’histoire de la Thanksgiving...
Parmi les fĂŞtes cĂ©lĂ©brĂ©es aux Etats-Unis, Thanksgiving est celle qui incite davantage les AmĂ©ricains Ă  se retrouver en famille. Cette fĂŞte cĂ©lèbre Ă©galement l’union, certes fugace, de deux peuples. Chaque Ă©colier amĂ©ricain le sait bien, lors du premier Thanksgiving, les « Indiens Â» et les « Pèlerins Â» ont partagĂ© un repas, cĂ©lĂ©bration de leur rĂ©colte commune. Les AmĂ©rindiens ont appris aux colons Ă  cultiver la courge, la citrouille et le maĂŻs et Ă  chasser dans les bois. « Les Indiens Â» sont arrivĂ©s les bras chargĂ©s de viande de cerf et de fruits de leurs jardins. Les braves colons anglais, qui avaient Ă  peine survĂ©cu aux rigueurs de leur première annĂ©e dans le Nouveau Monde, compensaient par de la gratitude ce que leurs maigres lardiers manquaient en vivres.

Notre premier prĂ©sident, George Washington, a proclamĂ© une journĂ©e de Remerciement (Thanksgiving) en novembre 1789, pour « l’opportunitĂ© d'Ă©tablir dans la paix un gouvernement pour [notre] sĂ©curitĂ© et [notre] bonheur.  Â» Ă€ juste titre, Thanksgiving est devenu une fĂŞte nationale officielle vers la fin de la Guerre de sĂ©cession amĂ©ricaine. « La diversion nĂ©cessaire de richesse et de force Â», affirme la proclamation de 1863, « n’a pas arrĂŞtĂ© la charrue, le mĂ©tier Ă  tisser ou le navire. Â» Mais elle a Ă©voquĂ© la vĂ©ritĂ© difficile des « troubles civiles lamentables Â», avec ses « veuves, orphelins, endeuillĂ©s ou souffrants Â» et a appelĂ© tous les AmĂ©ricains Ă  « implorer avec ferveur l'intervention de la Main Toute-Puissante pour guĂ©rir les blessures de la nation et lui permettre de jouir pleinement de la paix, de l’harmonie, de la tranquillitĂ© et de l'Union. Â» Intentions honorables, mĂŞme si elles rencontrent un succès variable.
 
Encore aujourd’hui, Thanksgiving célèbre l’abondance de la nature et la fraternité des hommes.
 

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